A la recherche des bases génétiques de la latéralisation cérébrale du langage grâce à une alliance novatrice entre imagerie fonctionnelle et séquençage complet du génome

Pour la très grande majorité des êtres humains, c’est l’hémisphère gauche du cerveau qui est dominant pour divers aspects du traitement du langage. Moins de 1% seulement de la population adulte présente en effet une dominance atypique inversée de leur hémisphère droit pour le langage (DLAtyp). Celle-ci pourrait être en partie d’origine génétique.

Le programme génétique qui sous-tend la latéralisation gauche pour le langage prépondérante est inconnu, de même que les causes à l’origine de cette très rare variation atypique. Partant du principe que des mutations génétiques rares pourraient parfois être impliquées dans la DLAtyp, un consortium multidisciplinaire de chercheurs de NIjmegen (NL), Bordeaux (F) et Ghent (B) a conduit une étude exploratoire de séquençage complet du génome à la recherche de telles mutations. En utilisant des bases données spécifiquement conçues pour l’étude de la latéralisation cérébrale (BIL&GIN, Bordeaux et GOAL, Ghent), ce consortium a pu constituer un échantillon de 33 individus présentant une DLAtyp affirmée grâce à l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle.

Haut : Illustration de la dominance typique de l’hémisphérique gauche (G) pour le langage, observée par IRM fonctionnelle chez un individu lors d’une tâche de production silencieuse de phrases.
Bas : Idem pour un individu présentant une dominance atypique de l’hémisphérique droit (D) lors de l’exécution de la même tâche.
(crédits : base de données BIL&GIN, Groupe d’Imagerie Neurofonctionnelle, Institut des Maladies Neurodégénératives, CEA, CNRS, Université de Bordeaux)

Le séquençage complet des génomes de ces 33 individus a été réalisé et comparé à celui d’un échantillon témoin, provenant des deux mêmes bases de données, composé de 34 individus ayant une latéralité gauche typique pour le langage, ainsi qu’à un vaste ensemble de données génétiques de population (UK Biobank). L’étude a révélé chez les individus DLAtyp un nombre de mutations significativement plus élevé au sein d’un groupe de gènes impliqués dans le cytosquelette d’actine, un constituant clé de la structure des cellules impliqué dans les mécanismes de formation de l’axe gauche-droit chez les invertébrés. Cette étude, qui est la première à coupler imagerie cérébrale et séquençage complet du génome, offre un aperçu préliminaire des influences génétiques moléculaires sur la dominance hémisphérique pour le langage.

La référence complète

Genome sequencing for rightward hemispheric language dominance. Carrion-Castillo A, L Van der Haegen L, Tzourio-Mazoyer N, Kavaklioglu T, Badillo S, Chavent M, Saracco J, Brysbaert M, Fisher SE, Mazoyer B, and Francks C. Genes, Brain and Behavior, manuscript number: G2B-00025-2019.R1, accepté pour publication.

Contact : Bernard Mazoyer

Financements

Cette recherche a été financée par l’ANR (contrat n°15-HBPR-0001-03) et la Netherlands Organization for Scientific Research (NWO, contrat n°054-15-101) dans le cadre du consortium ‘MULTI-LATERAL‘, un projet FLAG-ERA partenaire de l’UE Human Brain Project Flagship. Des financements complémentaires ont été obtenus de la Max Planck Society (Allemagne) and de l’idEx Bordeaux (programme InterLabex 2013, contrat ANR n°10–IDEX-03-02). La base de données GOAL a été acquise grâce à un contrat Odysseus du Governement des Flandres. Les données génétiques de la UK Biobank ont été obtenues dans le cadre du projet n°16066. La base de données BIL&GIN a été financée sur fonds propres du Groupe d’Imagerie Neurofonctionnelle, CI-NAPS UMR6232, CEA, CNRS, Université de Caen Basse-Normandie.