Un pas supplémentaire vers la caractérisation des asymétries anatomiques : 17000 cerveaux passés au crible

Au sein du consortium international ENIGMA (Enhancing Neuro Imaging Genetics through Meta-Analysis), des chercheurs du Groupe d’imagerie neurofonctionelle (IMN) et du Max Planck Institute for Psycholinguinstics ont caractérisé les asymétries de surface et d’épaisseur du cortex cérébral de 17141 individus. Cette étude, publiée dans PNAS, présente une caractérisation des asymétries structurelles et de leur variabilité. Elle fournit ainsi une source de référence unique pour de futures recherches sur les bases génétiques des asymétries cérébrales et l’altération de la latéralisation au cours de troubles cognitifs, neurologiques et psychiatriques.

Déchiffrer les asymétries anatomiques cérébrales pour mieux comprendre la spécialisation hémisphérique

L’asymétrie anatomique des hémisphères cérébraux est une caractéristique fondamentale de l’organisation du cerveau humain. Mais la latéralisation cérébrale n’est pas seulement anatomique, elle est aussi fonctionnelle. On la retrouve dans diverses aptitudes cognitives comme le langage, la perception des visages, le traitement visuo-spatial ou le raisonnement. Déchiffrer cette spécialisation fonctionnelle hémisphérique est un enjeu central des recherches en neurosciences pour comprendre le fonctionnement du cerveau, mais aussi ses dysfonctionnements. Une altération de la latéralisation hémisphérique a en effet été associée à de nombreux troubles cognitifs et neuropsychiatriques comme la dyslexie, les troubles déficitaires de l’attention et l’hyperactivité, la schizophrénie et l’autisme ainsi que la maladie d’Alzheimer.

Aujourd’hui, bien que les asymétries structurelles et fonctionnelles soient susceptibles d’être interdépendantes, la nature de leurs relations est loin d’être clarifiée. Une des principales difficultés repose sur la capacité à déterminer au niveau de la population, c’est-à-dire sur de très larges échantillons, quelles structures cérébrales sont réellement anatomiquement asymétriques. Grâce à des moyens jusque-là inédits, cette étude vient éclairer d’un jour nouveau nos connaissances sur les asymétries anatomiques cérébrales.

Une étude d’une envergure inédite sur la caractérisation des asymétries anatomiques cérébrales chez l’homme

Ce sont plus 34000 hémisphères cérébraux, issus de 99 cohortes internationales et indépendantes, qui ont été analysés pour cette étude de neuroimagerie en population. Pour cela, le consortium international ENIGMA a mis en place la plus grande analyse de l’asymétrie corticale cérébrale et de sa variabilité à travers les individus jamais réalisée. 17141 individus ont ainsi effectué un examen d’IRM afin de mesurer l’épaisseur et la surface corticale de chacun de leurs hémisphères cérébraux.

Au sein du consortium ENIGMA les asymétries d’épaisseur (A) et de surface (B) du cortex cérébral de 17141 individus ont été mesurées par IRM.

La présente étude montre qu’à l’échelle hémisphérique, les profils d’asymétries d’épaisseur et de surface du cortex cérébral sont différents. Le cortex humain apparaît en moyenne plus épais à gauche, mais il présente une plus grande surface à droite. Des études réalisées sur des échantillons plus restreints ont précédemment suggéré que l’épaisseur et la surface corticale étaient génétiquement et développementalement distincts et qu’il était important de considérer ces deux aspects de l’anatomie corticale séparément. Les résultats obtenus ici confirment ces différences et renforcent leur nature indépendante.

Au niveau des régions cérébrales, des asymétries d’épaisseur et/ou de surface corticale ont été trouvées dans les régions étant impliquées dans des fonctions fortement latéralisées comme le langage et le traitement visuo-spatial (le gyrus frontal inférieur, le gyrus temporal transversal, le gyrus para-hippocampique et le cortex entorhinal), suggérant ainsi leur rôle important dans la spécialisation hémisphérique.

Autre fait intéressant, aucune association significative entre les asymétries corticales et la préférence manuelle n’a été trouvée, venant confirmer des résultats déjà obtenus par les chercheurs de l’équipe GIN-IMN. Cette absence de relation démontre ainsi que la gaucherie n’implique aucune altération des asymétries corticales.

La référence complète

Mapping cortical brain asymmetry in 17,141 healthy individuals worldwide via the ENIGMA Consortium, Xiang-Zhen Kong, Samuel R. Mathias, Tulio Guadalupe, ENIGMA Laterality Working Group, David C. Glahn, Barbara Franke, Fabrice Crivello, Nathalie Tzourio-Mazoyer, Simon E. Fisher, Paul M. Thompson, and Clyde Francks. PNAS May 15, 2018. 201718418; published ahead of print May 15, 2018. https://doi.org/10.1073/pnas.1718418115

Contacts : Fabrice Crivello & Nathalie Tzourio-Mazoyer