En 1968, Geschwind a découvert que le planum temporale (PT), une zone du cerveau chargée du traitement des sons, et donc des sons du langage, avait une plus grande surface dans l’hémisphère gauche que dans l’hémisphère droit. Parce que le langage est hébergé par l’hémisphère gauche chez plus de 90% des êtres humains, Geschwind a alors proposé l’asymétrie anatomique du PT comme marqueur anatomique de la latéralisation hémisphérique du langage. Aujourd’hui, de nouveaux résultats viennent affiner cette assertion.
À l’époque de Geschwind il n’était pas possible de tester cette hypothèse parce qu’il n’y avait aucun moyen de mesurer l’activité cérébrale pendant les tâches langagières chez des individus en bonne santé. Avec l’imagerie par résonance magnétique structurelle (IRMa) et fonctionnelle (IRMf), il est aujourd’hui possible de faire des cartes cérébrales de l’anatomie et des activations mesurées pendant des tâches langagières chez le même individu. En outre, parce que l’IRM est une méthode non invasive, il est possible d’acquérir ces images cérébrales dans de grandes populations de volontaires sains.
Près de 50 ans après l’article de Geschwind dans Science, nous avons mesuré les surfaces du PT à gauche et à droite et les asymétries hémisphériques d’activation pendant la production ou l’écoute du langage de 287 adultes en bonne santé. Nous avons constaté que l’asymétrie du PT n’est pas un reflet de la dominance hémisphérique du langage. En effet, même les rares individus ayant les régions du langage dans leur hémisphère droit présentent un PT plus large à gauche.
Nous avons ensuite examiné si l’asymétrie de la surface du PT était liée aux asymétries d’activation des seules aires auditives pendant l’écoute de mots. Nous avons trouvé que plus l’asymétrie anatomique du PT gauche est grande, plus l’asymétrie gauche de l’activation des aires au voisinage du PT est grande. Cependant, cette relation est due au fait que plus la surface du PT droit est grande, plus l’asymétrie des zones auditives est faible.
Illustration des relations entre l’asymétrie anatomique de la surface du planum temporale (PT) et les asymétries des activations liées à une tâche d’écoute de mots chez 287 participants. En haut à gauche on voit qu’il n’existe pas de relation entre la force de l’asymétrie anatomique du PT, dessinée en bas à gauche sur une IRM, et les asymétries d’activation mesurées au niveau de tout l’hémisphère. En haut à droite le graphe illustre chez les mêmes sujets la corrélation positive entre l’asymétrie de la surface du PT et l’asymétrie d’activation dans les aires auditives. En bas à droite la figure illustre les relations entre la surface droite du PT et l’activation droite des régions auditives. Cette relation est celle qui explique le mieux la variabilité d’activation entre les individus.
Nous pouvons donc conclure que l’asymétrie de la surface PT n’est pas un marqueur de la dominance hémisphérique pour le langage, mais plutôt que la surface droite du PT est un marqueur des asymétries fonctionnelles régionales des zones auditives traitant la parole. Le fait que ce soit la surface du PT droit qui explique la plus grande partie de la variabilité de l’asymétrie régionale pendant l’écoute de la parole suggère que les signaux afférents inhibiteurs de l’hémisphère dominant pourraient être impliqués dans la détermination de l’asymétrie anatomique.
La référence complète
Tzourio-Mazoyer N, Crivello F, Mazoyer B, Is the planum temporale surface area a marker of hemispheric or regional language lateralization? Brain Struct Funct 2017 Nov 03. 10.1007/s00429-017-1551-7