L’asymétrie du lobe temporal cérébral est associée à de meilleures performances verbales

Chez les personnes saines, comme chez les dyslexiques, l’asymétrie gauche d’une aire temporale du traitement des sons du langage est associée à de meilleures performances verbales. Cette découverte a été possible grâce à la prise en compte de la variabilité anatomique individuelle dans une base de données comportant un grand nombre de participants.

Depuis Geschwind en 1968, on associe la localisation dans l’hémisphère gauche des aires du langage à la latéralisation anatomique du planum temporale, une région cérébrale plane située à la surface supérieure du lobe temporal et plus étendue à gauche dans 70% des cas. Cette hypothèse, déduite uniquement d’observations anatomiques, est cohérente avec la moindre asymétrie gauche du planum temporale chez les personnes dyslexiques. Mais qu’en est-il chez des personnes ne présentant pas de troubles du langage ? Pour la première fois, notre étude montre un lien entre l’asymétrie gauche du planum temporale et des compétences verbales globales comme les compétences mnésiques, phonologiques ou l’étendue du vocabulaire… .

Prendre en compte la variabilité anatomique entre les individus

Jusqu’à maintenant, on ne savait pas expliquer le paradoxe soulevé par Bishop en 2013 sur l’absence de relation entre l’asymétrie gauche du planum temporale et les capacités linguistiques chez des sujets sains. Au niveau anatomique, il est important de savoir que le planum temporale est accolé à la structure cérébrale qui contient l’aire auditive primaire, le gyrus de Heschl. Ce gyrus est soumis à une très forte variabilité anatomique : il peut être simple ou double et sa duplication peut être totale ou partielle. Alors que certains auteurs considèrent qu’en cas de duplication le deuxième gyrus de Heschl appartient au planum temporale, d’autres l’inclut uniquement quand la duplication est complète. La définition du planum temporale variant d’une étude à l’autre, il devient difficile de s’y retrouver et on comprend que la façon de prendre en compte les différentes configurations du gyrus de Heschl dans la définition anatomique du planum temporale influence directement la taille de ce dernier. Aussi, pour mesurer précisément la surface du planum temporale et son asymétrie, un expert l’a dessiné sur chacune des images anatomiques obtenues par IRM chez les 428 participants à l’étude en tenant compte du nombre de duplications du gyrus de Heschl. Cela a conduit à 2 définitions anatomiques du planum temporale : 1) le planum temporale postérieur seul, 2) le planum temporale postérieur associé à la 2nde gyrification de Heschl. Ainsi il a été possible de détecter que les personnes ayant une asymétrie gauche ou droite du planum temporale postérieur ont des performances aux tests verbaux meilleures que les autres.

Illustration des différentes définitions du planum temporale en fonction du des gyrification du gyrus de Heschl (GH). Pour révéler le plan supratemporal un coupe passant par le gyrus de Heschl et par la fin de la fissure de Sylvius est reconstruite. A gauche on voit un hémisphère gauche avec un gyrus unique (bleu clair) et le planum temporale (vert). Au centre, une duplication complète droite du GH (CPD) avec le premier gyrus (bleu clair), le second gyrus (orange) et la partie postérieure du PT (PTpost, vert). A droite une duplication partielle (CSD) du gyrus de Heschl gauche. Une ligne pointillée rouge délimite l’ensemble PT (PTtot), correspondant à PT en cas de gyrus simple ou incluant PTpost et le second gyrus en cas de duplication. La zone HGPT correspond à l’union de toutes les zones colorées, y compris HG et le PT quel que soit le modèle de gyrification HG.

 

Augmenter la sensibilité en incluant une large population permet de montrer que c’est l’asymétrie qui compte mais pas le côté de l’asymétrie

Les études antérieures sur ces questions comportaient au mieux quelques dizaines de participants. Notre étude s’appuie sur un large échantillon de 428 adultes en bonne santé, la « BIL&GIN », une base de données spécialement consacrée à l’étude de la latéralisation anatomique et fonctionnelle du cerveau. Pour éliminer les effets liés du sexe ou de la préférence manuelle, la BIL&GIN comporte autant d’hommes que de femmes et autant de droitiers que de gauchers. Les 428 participants ont donc chacun passé une IRM anatomique et été évalués sur leurs compétences verbales. L’association observée entre de meilleures des performances verbales et la latéralisation du planum temporale est de faible amplitude mais très stable et elle concerne également les sujets, moins fréquents, ayant une asymétrie droite. Sans ce grand nombre de participants à l’étude, l’asymétrie du planum temporale comme élément optimisant l’organisation cérébrale pour le langage aurait (encore) pu passer inaperçue. Elle concerne l’ensemble des compétences mesurées : étendue du vocabulaire, mémoire verbale, capacités phonologiques… démontrant l’importance pour un fonctionnement verbal optimal d’être asymétrique, quelque soit le côté de l’asymétrie comme nous l’avions précédemment montré.

 

Bibliographie

Bishop DVM (2013) Cerebral Asymmetry and Language Development: Cause, Correlate, or Consequence? Science 340:1230531.
Geschwind N, Levitsky W (1968) Human brain left-right asymmetries in temporal speech region. Science 161:186-187.
Marie D, Jobard G, Crivello F, Perchey G, Petit L, Mellet E, Joliot M, Zago L, Mazoyer B, Tzourio-Mazoyer N (2013) Descriptive anatomy of Heschl’s gyri in 430 healthy volunteers, including 198 left-handers. Brain Struct Funct 220:729-743.
Mellet E, Zago L, Jobard G, Crivello F, Petit L, Joliot M, Mazoyer B, Tzourio-Mazoyer N (2014) Weak language lateralization affects both verbal and spatial skills: an fMRI study in 297 subjects. Neuropsychologia 65:56-62.

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