Dans le cerveau, le réseau du « mode par défaut » est celui qui s’active quand on laisse libre cours à ses pensées. Les régions cérébrales qui s’activent de façon synchrone pour former ce réseau jouent une rôle essentiel dans le bon fonctionnement de la mémoire, des émotions et de l’introspection. En utilisant plusieurs techniques de pointe de l’imagerie cérébrale, les chercheurs proposent un nouveau modèle du réseau du mode par défaut, plus complet, comprenant des noyaux sous-corticaux capitaux pour son fonctionnement. Ces noyaux bien connus sur le plan neurochimique et fonctionnel peuvent désormais être intégrés aux données de la neuroimagerie anatomique et fonctionnelle, chez l’homme et chez l’animal. Ce travail est publié dans la revue Nature Communications Biology.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le cerveau au repos est un cerveau très actif. Qu’appelle-t-on les « réseaux du repos » ? Il s’agit simplement de régions cérébrales qui s’activent de façon synchrone lorsqu’on laisse aller librement ses pensées, sans interaction avec son environnement. Ces régions cérébrales peuvent être anatomiquement éloignées, ce qui les relie c’est la synchronisation de leur activité, on parle alors de « connectivité fonctionnelle ». La particularité de cette connectivité fonctionnelle c’est que les réseaux ne se forment pas de façon aléatoire, mais selon une organisation qui correspond à des fonctions cérébrales existantes. Ainsi, le réseau du repos dit « du mode par défaut », découvert en France par Bernard Mazoyer et son équipe en 2001, est essentiel pour la mémoire, les émotions et l’introspection. C’est aujourd’hui un des réseaux du repos le plus important et le plus étudié. Malgré cela, la plupart des recherches se sont limité à le décrire au niveau du cortex cérébral, c’est-à-dire à la surface du cerveau, sans explorer l’implication éventuelle de régions plus enfouies, dites « sous-corticales ».
Grâce à des techniques de pointe de l’imagerie cérébrale et au logiciel BCBtoolkit (http://toolkit.bcblab.com), l’équipe de Michel Thiebaut de Schotten propose aujourd’hui un nouveau modèle du réseau du mode par défaut, comprenant désormais des noyaux sous-corticaux (corps mamillaires, septum, accumbens et thalamus). Ce travail intègre dans un même modèle, en plus de la connectivité fonctionnelle, des données neuroanatomiques, neurochimiques et cognitives. Par exemple, au niveau du septum, les chercheurs ont montré l’implication des neurones à acétylcholine, GABA et glutamate, des neurotransmetteurs bien connus pour leur action sur la mémoire, notamment par le biais de la régulation des oscillations rythmiques de l’hippocampe, région cérébrale très impliquée dans l’apprentissage et la mémoire. En apportant la preuve de l’implication du septum et de son lien structurel avec l’hippocampe dans ce nouveau modèle du réseau du mode par défaut, cette étude appréhende la correspondance directe entre connectivité fonctionnelle et anatomique, neurochimie et cognition. Le septum et l’hippocampe ne sont qu’une partie de ce vaste réseau, comme on peut le voir sur la figure ci-dessous.
Finalement, les noyaux sous-corticaux étant plus anciens d’un point de vue évolutif que les régions corticales du mode par défaut, ce modèle intégratif va permettre d’explorer le réseau du mode par défaut chez d’autres espèces de mammifères.
Source
An improved neuroanatomical model of the default-mode network reconciles previous neuroimaging and neuropathological findings, Pedro Nascimento Alves, Chris Foulon, Vyacheslav Karolis, Danilo Bzdok, Daniel S. Margulies, Emmanuelle Volle & Michel Thiebaut de Schotten, Nature Communications Biology 2019 DOI: 10.1038/s42003-019-0611-3